Tu es poussière…

« Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière. » (en latin : Memento, homo, quia pulvis es, et in pulverem reverteris). Ces mots nous les connaissons par coeur, car ils marquent chacune de nos entrées en Carême. Plus encore, ils nous ramènent à une réalité que notre vie quotidienne a bien trop souvent l’habitude d’oublier. A la suite de Jésus, nous sommes invités à rentrer au désert et à profiter de ces 40 jours de montée vers Pâques pour nous y préparer corps et âme.

Nous profitons de cet article pour expliquer l’origine du mercredi des cendres, la symbolique des cendres et les raisons de faire pénitence.

1- Le mercredi des cendres, c’est quoi?

Le mercredi des Cendres marque le début du Carême, période de quarante jours qui se termine par la Passion et la Résurrection du Christ célébrée le dimanche de Pâques. Ce jour est marqué par le jeune, l’abstinence et l’assistance à la messe au cours de laquelle le prêtre trace une croix sur le front de chaque fidèle avec de la cendre.

Jeune : un repas complet et deux collations

Abstinence : privation de viande

C’est au début du VIe siècle, alors que le Carême se mettait tout doucement en place, que l’Église a voulu instaurer un temps préparatoire à la fête de Pâques. Comme les dimanches – marqués par la joie de la Résurrection – ne pouvaient être comptés dans cette période de pénitence, il a été décidé que l’entrée en Carême serait avancée au mercredi précédent le premier dimanche.

Le mercredi des cendre est ainsi devenu le marqueur du premier jour du Carême. Il peut tomber n’importe quel mercredi entre le 4 février et le 10 mars, en fonction de la date de Pâques. Quant à l’imposition des cendres, elle nous vient d’une pratique pénitentielle du peuple hébreu qui se couvrait la tête de cendres. C’est à partir du XIe siècle qu’elle s’est généralisée dans l’Église.

2 – Que symbolisent les cendres ?

Un symbole de fragilité

Le symbolisme des cendres se trouve en premier dans l’Ancien Testament. Après avoir tout perdu, Job s’écrie (Jb 30, 19) «Me voici pareil à la poussière et à la cendre», tandis que Tamar, fille de David, «répandit de la cendre sur sa tête» après avoir été violée (2S 13, 19).

Se couvrir de cendre est aussi devenu le symbole du deuil : «Ô fille de mon peuple, revêts-toi de sac et roule-toi dans la cendre ! Prends le deuil», demande Jérémie à Jérusalem (Jr 6, 26).

Enfin, c’est en se couvrant la tête de cendre que les pécheurs reconnaissent leur état et deviennent des pénitents : le roi de Ninive après la prédication de Jonas «se couvrit d’une toile à sac, et s’assit sur la cendre» (Jon 3, 6).

Cette manifestation publique de pénitence n’avait toutefois pas encore la connotation liturgique qu’elle prendra plus tard.

Aujourd’hui, les cendres déposées sur le front de chaque fidèle est un signe de la fragilité de l’homme, mais aussi de l’espérance en la miséricorde de Dieu. Elles sont une représentation du péché et la démonstration de la petitesse de l’homme. Se couvrir de cendre est une manière de demander pardon à Dieu et de faire pénitence à l’image du sacrement de réconciliation.

Un symbole de renaissance

Cependant les cendres sont aussi un symbole de renaissance. Tous, nous faisons l’expérience du péché. Et par l’évangile, Jésus nous apprend à vaincre le péché en remplaçant en nous le feu du mal par le feu de l’Amour. Le feu qui brûle est source de destruction mais, en même temps, il éclaire, il réchauffe, il réconforte et il guide.

La cendre, c’est ce qui reste quand le feu a détruit la matière dont il s’est emparé. Ces petites particules grises sont l’image de notre pauvreté. Elles peuvent aussi fertiliser la terre et de cette terre renaîtra une vie nouvelle. Appliquée sur notre front, la cendre nous appelle donc à brûler le mal en nous pour nous amener à renaître, à nous convertir par le chemin de l’humilité.

C’est pourquoi le prêtre dit au fidèle : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ». L’évangile de ce jour, tiré de saint Matthieu – chapitre 6, versets 1 à 6 et 16 à 18 – incite les fidèles à prier et agir, non pas de manière orgueilleuse et ostentatoire, mais dans le secret de leur cœur :

Quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que te donne ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais en secret.

Quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret.

Quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ; ainsi ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement du Père qui est présent dans le secret.

► Avec quoi fait-on les cendres ?

Les cendres sont issues de l’incinération des branches bénies lors de la fête des Rameaux de l’année précédente.

3- Pourquoi l’ascèse ?

L’ascèse est un mot grec, askèsis, qui signifie l’entraînement, l’exercice du gymnaste. Il fait donc originalement partie du vocabulaire sportif. Mais déjà durant l’antiquité païenne, il fut appliqué à la sagesse.

Saint Paul, dans sa première lettre au Corinthiens 9, 24-27, se compare à un coureur du stade qui court vers la récompense qui lui est promise. L’ascèse représente donc cette masse d’efforts, de sacrifice que nous mettons en place pour atteindre l’objectif de notre vie sur cette terre, c’est à dire le ciel. A l’image de Jésus qui se retira au désert pendant 40 jours afin de préparer l’objectif de sa venue sur terre, enseigner et racheter les hommes. De même, nous nous préparons à témoigner du Christ dans le monde après sa résurrection.

Cette image du coureur du stade est très intéressante, car elle nous montre que l’ascèse n’est pas une fin en soi. Elle est un moyen d’atteindre un objectif. On ne jeûne pas pour jeûner, on ne se prive pas pour le plaisir de se priver. Sinon on tombe dans un travers fondamental, qui consiste à s’imposer des souffrances et des privations, comme si Dieu jouissait des souffrances qui nous surviennent, ou que nous nous infligeons pour lui faire plaisir. 

Il est donc important de conserver la dimension positive du Carême. Le chrétien est joyeux et rayonne de cette joie autour de lui, même durant l’épreuve. Car ce travail sur soi, ces efforts, sont intimement liée à la remise de notre personne entre les mains de Dieu. On ne parvient pas à l’ascèse par ses propres forces mais avec la grâce de Dieu.

Le principal, c’est la relation avec le Seigneur et avec les autres. L’ascèse n’enferme pas sur soi, elle ouvre sur les autres, elle me rend plus sensible à leurs besoins, elle me rend plus délicat et plus attentionné. L’ascèse est un moyen au service de la charité, de l’attention aux autres, de la disponibilité à Dieu et aux autres.

Un conseil ?

Il consiste à prendre des résolutions que nous saurons tenir sur la distance. Il faut se donner un ou deux points réalistes et réalisables qui nous permettront de parvenir à une plus grande maîtrise de nous même. Trois grands thèmes se dégagent : ma relation avec Dieu, ma relations avec les autres, ma relation avec les biens qui m’entoure.

Quelques exemples pour vous aider à prendre une bonne résolution :

  • prier à une intention particulière,
  • augmenter mon temps de prière quotidien,
  • consacrer mon temps libre pour servir mon prochain,
  • travailler sur ma relation à une personne en particulier,
  • me privé d’une nourriture ou d’une boisson que j’affection tout particulièrement,
  • limiter mon utilisation d’internet ou de mon Smartphone… 
  • faire l’aumône ou se détacher d’un bien superflu

Finalement, l’ascèse, ce n’est pas si difficile. Elle ne demande pas des efforts extraordinaires. C’est en travaillant sur les petites choses que l’on atteint les grandes. 

L’ascèse bien pratiquée est source de joie. La joie d’avoir réussi cet effort de 40 jours, mais surtout cette satisfaction d’avoir réussi à transformer sa vie, d’avoir éradiquer tel défaut qui nous perturbait depuis si longtemps. L’ascèse est donc porteuse de fruits et de fruits en abondance. C’est tout ce que nous vous souhaitons.

Bon et saint carême.